jeudi 21 juillet 2011

Cornelius Castoriadis : réinventer la politique après Marx

Arnaud Tomès, Philippe Caumières

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Juin 2011 – PUF - Collection Fondements de la politique – 27 €

La pensée politique semble être aujourd'hui dans une impasse. L'épuisement de la tradition marxiste et de toute forme de pensée radicale ainsi que la domination d'une pensée libérale dont les principes sont presque unanimement acceptés sont autant de phénomènes qui traduisent l'essoufflement d'une philosophie politique qui n'est plus articulée à un projet émancipateur.

Parmi les pensées faisant exception à cette tendance générale, l'une des plus fortes est sans nul doute celle de Cornelius Castoriadis. Cet ouvrage se propose ainsi d'éclairer l'intérêt de cette pensée, de montrer en quoi elle permet de répondre aux grandes questions de la philosophie politique et d'offrir une alternative à l'imaginaire dominant en réaffirmant la valeur du projet d'autonomie - à l'origine aussi bien de la philosophie que de notre tradition démocratique.

mercredi 20 juillet 2011

La douceur dans la pensée grecque

Jacqueline de Romilly

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Juin 2011 - Belles lettres, Paris – Collection Etudes anciennes. Série grecque – 45 €

Pourquoi parler de douceur dans un monde où il est surtout question de justice et d'héroïsme, où les mythes et la tragédie sont cruels, où la vision de la vie humaine est âpre et violente ? L'Iliade est un poème de batailles et de mort. L'histoire de Thucydide décrit des violences physiques et morales d'une guerre sans merci. L'épanouissement d'un idéal de douceur dans la pensée grecque est un phénomène d'autant plus remarquable. Comment a-t-il pu avoir lieu dans un contexte aussi défavorable, pour gagner en importance à la fin du Ve siècle et pour qu'on le retrouve encore dans la Grèce actuelle ? La douceur est décrite ici comme attitude humaine, relevant du domaine de l'éthique et caractéristique de l'idéal grec. Jacqueline de Romilly étudie un comportement pratique, dont la nature varie selon les circonstances : gentillesse des manières, bienveillance envers autrui, générosité, bonté, indulgence, compréhension, humanité, charité, tolérance, clémence, valeurs désignées par le même mot : praos.

Franz Rosenzweig : politique, histoire, religion

Les Cahiers philosophiques de Strasbourg n° 29

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Juin 2011 – Université de Strasbourg – 13 €

Les textes réunis dans ce vingt-neuvième numéro des Cahiers Philosophiques proviennent pour la plupart de communications présentées au cours des Journées d'études tenues en janvier 2009 à l'Université de Strasbourg, intitulées « Franz Rosenzweig. Histoire, politique, religion ». D'autres sont venus s'y ajouter par la suite pour nourrir les réflexions qui constituent le coeur de ce volume. L'ensemble porte sur la pensée politique de Rosenzweig, dans son articulation à sa conception de l'histoire et de la religion. Cette thématique permet de faire entrer sa pensée en dialogue avec des auteurs auxquels il se réfère explicitement, comme Hegel ou Spengler, avec ses contemporains, comme Benjamin ou Heidegger, et avec ses lecteurs (Levinas). On trouvera en outre dans ce volume la première traduction française d'un choix de lettres de Rosenzweig à Margrit et Eugen Rosenstock (1917-1919). Ces extraits rendent compte de la conception rosenzweigienne du dialogue, par-delà la différence religieuse, et jettent une lumière nouvelle sur la genèse de l'Étoile de la Rédemption (1921).

Dialogues de l'idiot sur la sagesse et l'esprit

Nicolas de Cusa (1401-1464)

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Juin 2011 – PUF – Coll. Epiméthée – 28 €

L'«Idiot» est le personnage central de l'ensemble de ces dialogues qui rassemblent deux livres sur la sagesse, un troisième sur l'esprit et un quatrième sur l'usage de la balance comme instrument de mesure universelle. Étymologiquement, le mot signifie «l'homme simple» et «ignorant», au sens où il n'est initié à aucun savoir. Il se reconnait et se dénomme comme tel, non sans humour et une pointe de provocation badine, mais qui veut incarner avant tout l'ironie socratique. L'Idiot n'est pas un savant, c'est un petit artisan qui fabrique des ustensiles d'usage courant : des cuillers en bois. Sa science, dit-il, ne se trouve pas dans les livres écrits par les hommes, mais dans le livre de la nature. Porte-parole de Nicolas de Cues, il personnifie la docte ignorance, qui n'est pas un scepticisme mais une nouvelle forme de savoir, un gai savoir pourrions-nous dire, fondé non sur l'érudition livresque mais sur l'expérience directe, un savoir qui se «savoure» - sapientia vient de sapere, se plaît-il à souligner - et non qui se transmet, un savoir qui produit quelque chose et non un savoir stérile.

Ce que l'homme simple proclame sur la place du marché, à Rome, comme jadis Socrate sur l'agora, à Athènes, est qu'il faut distinguer la sagesse, qui est science de ce monde, «science qui enfle» (livres I et II), de la sagesse qui consiste en un savoir intérieur (livre III). Le thème augustinien de la sagesse intérieure, étrangère à celle du monde qui rend orgueilleux, et celui du savoir tiré du grand livre de la nature se superposent sans s'exclure. Ce qui les unit est que la science physique est conjecturale et structurellement utile et féconde. Mais, parce qu'elle est conjecturale, elle peut aussi se convertir à la docte ignorance et devenir trésor de sagesse intérieure et mystique sans, toutefois, se soustraire à son engagement scientifique dans le calcul.

dimanche 17 juillet 2011

De l'utopie !

Pierre Macherey

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Avril 2011 – De l’incidence Editeur – 24 €

Pourquoi s’intéresser aujourd’hui aux discours des utopistes ? Peut-être parce que, ce dont nous manquons le plus, c’est précisément d’utopie, sans même avoir conscience de ce manque. Plus fondamentalement, l’utopie ne correspond-elle pas au sentiment diffus que quelque chose ne va pas dans la société, à quoi il faudrait de toute urgence remédier, ce qui fait d’elle l’expression d’un manque ?                    

Comment se tracer un  chemin dans le massif touffu, irrégulier, de la tradition utopique, dont les contours sont incertains, comme inachevés ? En faisant fond sur ce qui fait principalement son prix : la mise en valeur, portée par son mode d’exposition narratif, des détails, les mille petits riens sur lesquels repose la vie sociale, ses « minuties » comme les appelle Fourier, le grand poète de l’utopie. La réflexion utopique fixe son attention, non sur des systèmes politiques  fournis clés en main, avec leur rigide armature institutionnelle, mais sur les particularités, souvent incongrues, qui constituent concrètement le soubassement de l’existence communautaire, qu’elle prend à ras de terre en portant sur elle une vue rasante. C’est ce qui la distingue des grandes spéculations de la philosophie politique, qui, préoccupée par des problèmes centraux comme celui du pouvoir, ne s’abaisse pas à prendre en compte ce type de considérations, dont l’importance est, cependant, cruciale.                    

En relisant More, Bacon et Campanella, représentants exemplaires de ce qu’on peut appeler l’utopie classique, et Fourier, qui a développé un nouveau type d’utopie sociale propre à la modernité, on se donne quelques chances de s’orienter dans le dédale de la pensée utopique, une pensée qui demeure pour nous, y compris dans ses formes les plus anciennes, d’une brûlante actualité. P. M.                    

samedi 16 juillet 2011

La Lettre clandestine N° 19/2011 : Diderot et la littérature clandestine

Collectif

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Juin 2011 – Editeur : PU Paris-Sorbonne – 29 €

Diderot est à la fois auteur, lecteur et éditeur de manuscrits philosophiques clandestins. Sa philosophie radicale et non systématique, son recours à la clandestinité et l'évolution de sa pratique vers une diffusion sous forme d'imprimés destinés à un très large public, son travail en équipe aussi (Encyclopédie, Histoire des deux Indes), sont certainement emblématiques de l'évolution du mouvement des Lumières. Il s’agit de passer d’un espace public restreint et clandestin à un espace public généralisé. Ce passage a un prix philosophique qu'il est intéressant de mesurer, d'autant que ce dossier s'accompagne de la réponse de Jonathan Israel au compte rendu de ses travaux publié par Antoine Lilti dans les Annales : il y oppose de façon très claire ses principes méthodologiques aux reproches qui lui ont été adressés.

On trouvera aussi dans ce numéro, outre un dossier substantiel de comptes rendus, une étude approfondie des papiers concernant Diderot dans les archives de la Bastille, des notes de lecture sur le libertinage philosophique au xviie siècle, une analyse du grand projet philosophique de Boullanger, ainsi qu'un rubrique bibliographique très fournie, qui témoigne de la vitalité et de la dynamique des recherches sur la philosophie clandestine.

Le théâtre, de la Renaissance à aujourd'hui - Une approche philosophique

Revue internationale de philosophie N° 255 Volume 65, 1- - Dir. Michel Meyer

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Juillet 2011 – 30 €

“ Ce volume sur le théâtre fait suite à ceux que nous avons consacrés à Renaissance du théâtre, théâtre de la Renaissance en 2010 et à Shakespeare en 2009. Même si chacun de ces trois volumes peut se lire indépendamment des deux autres, ils forment un tout qui entend couvrir les grandes tendances de l’histoire du théâtre, essentiellement abordée sous l’angle philosophique.

2Les grandes cassures, les mouvements d’inflexion, les moments d’innovation, ont retenu l’attention des auteurs de ce volume. J’ai choisi de solliciter de grands théoriciens qui ont renouvelé l’approche du théâtre moderne et contemporain. Le résultat ne décevra pas le lecteur. De nombreuses questions resteront sans doute posées à l’issue de ce volume, mais c’est toujours le cas en philosophie, lorsqu’elle est novatrice. Les contributions qui vont suivre devraient permettre de relancer les débats et d’alimenter les recherches futures sur le théâtre comme forme majeure de la littérature occidentale.” M. Meyer

dimanche 10 juillet 2011

La longue histoire de la matière

Jacques Reisse

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Août 2011 – PUF - Collection "’Interrogation philosophique" – 29

Ce livre propose une fresque passionnante sur cette longue histoire qui nous concerne, dans un style accessible à tous. L'auteur explique comment et pourquoi la matière se complexifie puis, dès l'apparition de la vie, comment l'histoire de la matière devient dépendante de l'évolution biologique qui conduit, après trois milliards d'années, à l'apparition de l'homme, seul être vivant capable de faire évoluer la matière.

Table des matières

Avant-propos
Introduction générale. – Espace, énergie, matière, temps et évolution
Chapitre premier. – Les lois physiques qui régissent l’évolution de la matière
Chapitre II. – Les symétries et lois de conservation qui contraignent l’évolution de la matière
Chapitre III. – Les transformations de la matière et la deuxième loi de la thermodynamique
Chapitre IV. – Les grandes « dates » de l’histoire de la matière
Chapitre V. – La nucléosynthèse stellaire, étape majeure dans l’histoire de la matière
Chapitre VI. – Les nuages interstellaires et la nébuleuse protosolaire
Chapitre VII. – La formation et l’évolution du système solaire
Chapitre VIII. – Ce que les chondrites nous apprennent sur l’histoire de la matière
Chapitre IX. – Origine de la matière organique sur la Terre primitive
Chapitre X. – Du non-vivant au vivant, une étape décisive dans l’histoire de la matière
Chapitre XI. – L’eau comme « marieuse » moléculaire
Chapitre XII. – L’autostructuration de la matière dans des systèmes ouverts, loin de l’équilibre
Chapitre XIII. – Catalyse, codage, couplage et stockage
Chapitre XIV. – L’évolution biologique et la croissance en complexité de la matière
Chapitre XV. – Le cerveau de l’Homo sapiens : un remarquable outil pour concevoir des formes nouvelles de la matière
Chapitre XVI. – L’évolution de la matière associée à l’évolution culturelle
Chapitre XVII. – Une complexité croissante depuis des milliards d’années
Bibliographie générale
Index

Éloge du risque

Anne DUFOURMANTELLE

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Avril 2011 – Payot – 18,50 €

Notre temps est placé sous le signe du risque : calculs de probabilités, sondages, scénarios autour des crachs boursiers, évaluation psychique des individus, anticipations des catastrophes naturelles, cellules de crises, caméras ; plus aucune dimension du discours social ou politique, voire éthique, n'y échappe.
Aujourd’hui le principe de précaution est devenu la norme. En termes de vies humaines, d’accidents climatiques, de terrorisme, de revendications sociales, le risque est un curseur que l’on déplace au gré de la mobilisation collective, mais de fait, il est une valeur inquestionnée.Mais que signifie : risquer sa vie ? Comment est-ce possible, étant vivant, de penser ce risque ? Le penser à partir de la vie et non de la mort ? Risquer sa vie, est-ce nécessairement affronter la mort - et survivre...
ou bien y a-t-il, logé dans la vie même, un dispositif secret, une petite musique à elle seule capable de déplacer l’existence sur cette ligne de front qu’on appelle désir ? Comment ne pas s’interroger sur ce que devient une culture qui ne peut plus penser ce risque sans en faire un acte héroïque, une pure folie, une conduite déviante ? L’expression est l’une des plus belles de notre langue. Car le risque – laissons encore un indéterminé son objet – ouvre un espace inconnu.
D’abord, il métabolise l’instant de la décision, et donc notre rapport intime au temps. Il est un combat dont nous ne connaîtrions pas l’adversaire, un désir dont nous n’aurions pas connaissance, un amour dont nous ne saurions pas le visage, un pur événement. Et si le risque traçait un territoire avant même de réaliser un acte, s’il supposait une certaine manière d’être au monde, construisait une ligne d’horizon… Au risque de…Ce livre évoque, en courts chapitres, différentes sortes de risques : la passion, la liberté, le rêve, le rire, l’infidélité, mais il traite aussi du risque de… perdre du temps, quitter la famille, ne pas être mort, être en suspens, décevoir, penser… Car le risque ne se loge pas nécessairement là où on l’attend.
Et l’inespéré est sans doute ce qui le définit le mieux.Anne Dufourmantelle est psychanalyste et philosophe et dirige depuis 2005 la collection L’autre pensée aux éditions Stock. Elle est déjà l’auteur aux éditions Payot de En cas d’amour, Psychopathologie de la vie amoureuse, paru en 2009. (Editeur)

Labyrinthe n°36 : par les Grecs

Sous la direction de Laurent Dubreuil

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I - 2011

Après l’Empire, à l’honneur dans le n° 35, Labyrintheaborde des rivages au pouvoir peut-être sans égal sur les imaginations et esprits européens (et pas seulement) pendant de longs siècles : ceux de la Grèce et surtout de ses anciens habitants « les Grecs ». Si l’objet du précédent dossier visait à montrer comment « l’empire », par une sorte de capillarité quasi inconsciente dans nos disciplines, devient une notion elle-même « impérialiste », cette fois c’est nous-mêmes, volontairement, qui revendiquons la capillarité.

De multiples rapports s’entretiennent avec ce groupe étrange, nommé d’ordinaire « les Grecs ». Les textes de ce numéro dressent quelques inventaires, et analysent les répertoires de rôles et d’images prêtés, ou imposés, aux Grecs. Mais l’objectif surtout était de voir comment penser encore aujourd’hui avec et grâce à cette Grèce ancienne, qui de Rome jusqu’aujourd’hui s’est diffusée, multiforme, en modèle, contre-exemple et paradigme.

dimanche 3 juillet 2011

Montaigne, pédagogue du jugement

Marc Foglia

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Mai 2011 – Classiques Garnier – 34 €

Aborder Montaigne en pédagogue du jugement, c’est renouveler une lecture qui permit à Gabriel Compayré, Émile Faguet ou Pierre Villey de recommander la lecture d’un auteur réputé sceptique en dépit de son scepticisme. Comment bien juger? La connaissance des règles et l’aptitude à raisonner ne suffisent pas pour faire un bon jugement. En se confiant courageusement et lucidement à son jugement personnel, Montaigne apprend à penser en situation d’incertitude, tout en renouant avec l’expérience et les grands auteurs.

vendredi 1 juillet 2011

Dernières lettres : de la Volonté de puissance à l’Antichrist

Friedrich Nietzsche

nietzsche

Mars 2011 – Manucius – 22 €

traduction, présentation et notes par Yannick Souladié

présentation de l’éditeur :

Cet ouvrage entend réparer une lacune concernant l’un des plus grands philosophes de l’occident, en livrant pour la première fois au public une partie encore inédite de la correspondance de FriedrichNietzsche (1844-1900). Il propose une traduction de 180 lettres rédigées par Nietzsche dans les dernièresannées de sa vie consciente ; 54 % d’entre elles étant encore inédites en français. Ces lettres sont dotées d’une introduction et accompagnées d’un appareil de notes critique.

Cette sélection de lettres s’articule autour d’un axe bien précis : il s’agit de suivre l’évolution du grand projet philosophique de Nietzsche. En 1886, alors qu’il vient d’achever Par delà Bien et Mal, il entreprend de rédiger un ouvrage majeur ayant pour objectif d’exposer son système philosophique : La Volonté de puissance. Ce projet va connaître de nombreuses évolutions jusqu’à la fin de l’été 1888, date à laquelleNietzsche l’abandonne définitivement : " mon travail bien et longuement préparé, qui devait être fini cet été, est littéralement "tombé à l’eau" " (à M. von Salis). Or, dès le 7 septembre, il confie à plusieurs de ses amis s’être engagé dans un autre grand projet : L’inversion de toutes les valeurs, qu’il va présenter comme constituant son " oeuvre principale " (à C. G. Naumann). Cette Inversion finira par voir le jour sous la forme de L’Antichrist. Durant ces deux années où il a ardemment travaillé à ses projets de Volonté de puissance et d’Inversion de toutes les valeurs, Nietzsche a confié à ses amis, ses lecteurs et ses éditeurs, ses avancées, ses doutes, ses échecs. Les lettres sont les témoins privilégiés de la progression de son travail. Elles permettent de mieux saisir les raisons de l’abandon de La volonté de puissance et de la promotion de L’Antichrist au rang d’Inversion de toutes les valeurs en sa totalité.

Les lettres datant du dernier trimestre de l’année 1888 contiennent en outre des indications très précises sur la manière dont Nietzsche voulait voir paraître cette Inversion de toutes les valeurs, notamment sur le rôle qu’il réservait à Ecce Homo, qualifié d’ " avant-propos " (à P. Gast), d’ " avant goût " (à G. Brandes), d’ " écrit préparatoire " (à C. G. Naumann) pour L’Antichrist. Elles montrent comment, avec L’Antichrist et Ecce Homo, Nietzsche pensait avoir parachevé sa philosophie, invalidant par là un préjugé tenace voulant que sa philosophie soit inachevée : " Maintenant, j’ai la conviction absolue que tout est réussi, depuis le commencement - tout est unité et veut l’unité ", écrit-il à Gast. Les toutes dernières lettres comprennent de nombreuses réflexions philosophiques inédites, mais elles montrent aussi comment Nietzscheenvisageait de délaisser la philosophie (désormais achevée) pour passer à l’action directe, à la " Grande Politique " (à G. Brandes). Ces dernières lettres constituent également un témoignage émouvant sur la vie de Nietzsche, sur son isolement, ses ruptures successives avec de vieux amis, et sur son détachement progressif de la réalité - Nietzsche perd successivement la notion du lieu (" je ne sais plus mon adresse ", à P. Gast), de l’identité (signatures " Dionysos " et " Le Crucifié ") et du temps (il se trompe de date). Les " billets de la folie ", présentés ici pour la première fois en leur intégralité (cet ouvrage s’appuie sur les découvertes les plus récentes), témoignent enfin de l’irruption tragique de la folie.

Notre sélection de lettres suit également l’évolution des relations amicales et spirituelles entretenues parNietzsche avec certaines figures du monde intellectuel européen, en proposant pour la première fois au public, l’intégralité de ses lettres à Ferdinand Avenarius, Jean Bourdeau, Georg Brandes, Carl Spitteler (Prix Nobel de littérature 1919), August Strindberg, Hippolyte Taine et Helen Zimmern. Docteur en philosophie, Yannick Souladié est chercheur associé à L’EA 5031 Erraphis (Toulouse) et chargé de cours au département de philosophie de l’Université de Toulouse le Mirail.